Voici un documentaire espagnol que nous avons visionné dans le cadre de Documed, qui se tient cette année en ligne. Le film suit la formation d’un groupe de femmes qui font du culturisme, elles soulèvent de la fonte pour construire des muscles et de gros muscles…Historiquement, les femmes ont joué leur beauté canonique sur la minceur ou sur la rondeur, mais jamais sur la musculature.
Le film (produit en 2020) s’ouvre sur une image évocatrice d’une masculinité «pilonnante» : le cœur phallique d’une machine de musculation qui suit une cadence bien particulière. Suivront les consignes de Mari Fe. En fait, comme nous l’indique le synopsis, «Mari Fe dirige une équipe amateur de culturisme féminin qui se prépare à concourir en Catalogne. Les recrues Soraya et Rosa et Angie expérimentées se battent pour appartenir à un monde où les muscles et la féminité doivent coexister». Et Mari Fe est très généreuse avec ses athlètes, en termes de conseils pour gagner de la masse musculaire, pour savoir se tenir sur la scène le jour du concours, car ce concours nécessite non seulement des muscles bien dessinés et bien proéminents, mais aussi un port et une démarche particuliers devant le jury. Si les hommes concourent dans ce genre de compétition à pieds nus, les femmes, elles, doivent s’exhiber sur des talons aiguilles et cela nécessite également tout un apprentissage.
Le film décrit les entraînements durs avec les haltères de tout poids dans la salle de musculation, mais s’attarde surtout sur les préparatifs d’avant le show ou le concours . Et c’est justement pendant ces préparatifs qu’on décèle l’effort de ces athlètes, non seulement pour mettre en valeur leurs muscles (application d’huile qui met en valeur la définition des muscles, tenue bien particulière, etc.), mais aussi de combiner cette «plastique», ce visuel si particulier aux hommes, à une féminité rayonnante. Tout le défi est là, semblent nous dire les réalisateurs de ce film documentaire. Les attributs féminins d’intelligence, de sensibilité, de finesse sont-ils compatibles avec ces corps nourris à la protéine en boîte, et gonflés par la fonte ?
Comment le corps féminin peut-il être un objet de transgression et de déplacements de frontières ?
La question de cette musculature hypermasculine semble «gêner» aujourd’hui. En France, par exemple, les fédérations ont éliminé progressivement les catégories «Femmes musclées» ou «Femmes body-building» ou encore «Femmes culturistes». On assiste à une désertification des plateaux de compétition. Aujourd’hui, la mode et le succès sont au fitness, au muscle modéré et aux apparences féminines accentuées. Le film est-il en train de décrire les dernières poches de cette pratique sportive féminine ?